Le Grand Paradis est un sommet (4061 mètres) et aussi un massif. Situé en Italie dans le val d’Aoste, c’est le plus haut sommet entièrement situé en Italie.
De Saint Gervais c’est une course en montagne à deux heures de route, à peine, en voiture.
Ce sommet est apprécié par beaucoup, c’est aussi le cas pour Alta‐Via qui fréquente cet endroit depuis plusieurs années et pratiquement en toutes saisons.
On vous y emmènera avec plaisir pour de la randonnée, de l’alpinisme, du ski de rando.
La première ascension de ce sommet à l’époque totalement méconnu remonte au 4 septembre 1860.
Pour changer, c’est un Britannique qui en est l’instigateur. Il s’agit de John Jermyn Cowell (1838/1867). Il ne fait cependant pas partie maintenant des noms demeurés célèbres. Je ne sais pas grand‐chose sur ce personnage. Avocat de profession il est aussi le premier à gravir la Levanna occidentale, quelques jours après le GP. En 1861 il est aussi de la première du Nordend, un des sommets du mont Rose. Sa vie est courte puisqu’il meurt à 30 ans à peine.
Son guide s’appelle Michel Payot, de Chamonix. Ils observent d’abord le Grand Paradis depuis le col du Géant puis ensuite montent à un belvédère réputé à l’époque : le mont Crammont. (Si vous connaissez le mont Crammont je vous offre une bière). Ce sommet est proche de Courmayeur en fait et était manifestement assez fréquenté depuis que H.B de Saussure en avait fait un poste d’observation sur le versant sud du Mont Blanc.
Cowell ira ensuite à Aosta avec Payot et demeure à l’hôtel du Mont Blanc tenu par Jean Tairraz. Ce Tairraz a fait quelques jours plus tôt une tentative infructueuse au Grand Paradis. Depuis, la météo est mauvaise et tout ce petit monde ronge son frein dans l’attente d’un temps plus clément. A ces trois compères se joindra un certain W. Dundas. Ne me demandez pas des renseignements sur ce monsieur je n’en sais rien.
Le 3 Septembre le temps est un peu mieux. Le petit groupe part donc d’Aoste vers le Valsavarenche, à pied bien sûr !
Remarquez, c’est juste 40 kilomètres après tout. Après 7 heures de marche ils sont au parking à Pont. Pont est de nos jours le départ pour la montée au refuge Vittorio Emanuele II. C’est à peine un hameau avec un hôtel et aussi l’été un camping et 2-3 maisons et choseaux.
La montée commence, enfin pour eux elle continue, mais plus raide. Cowell qualifie le sentier d’escarpé (a precipitous path).
Ils mettent une heure pour arriver au chalet de Moncorvé, 2426 m, qui sera pour eux leur refuge. Ils sont lourdement chargés et forcés de progresser sur des rochers recouverts de mousse humide.
Cette description ne correspond pas au sentier actuel qui lui est au début en sous‐bois et sans difficulté. A mon avis ils ont pris
un chemin un peu plus à gauche que le sentier d’aujourd’hui au moins jusqu’à la fin de la forêt.
Il est par contre intéressant de savoir que quand vous emprunterez le sentier pour monter à Vittorio Emanuele II (Ah ben oui évidemment je ne vous raconte pas tout ça pour que vous n’alliez pas au Grand paradis non mais !).
En montant donc, vers 2350 mètres, voir un peu plus vous pourrez voir sur votre droite une maison en ruine, un chosal quoi !
Le lieu s’appelle Chanté (j’aime bien monter à Vittorio Emanuele II parce que c’est le seul refuge où j’arrive toujours à Chanté en montant). C’est moyen oui je vous l’accorde mais bon !
De là, continuez un peu à monter et quand le sentier fait un zigzag sur la droite vous pourrez voir partant sur la gauche une vague sente
qui passera ensuite sous une barre rocheuse très noire et très visible.
En un quart d’heure vous arriverez au fameux chalet où s’arrêtèrent les premiers ascensionnistes. L’été, plus vers août un berger garde un troupeau de chèvres à cet endroit. Vous serez sans nul doute une des rares personnes empruntant le sentier habituel, à connaître ce lieu.
D’après Cowell ils furent bien accueillis par le propriétaire du chalet, prévenu au préalable de cette visite par l’ami Tairraz.
Cependant aucun des quatre n’était en mesure de confirmer où ils se trouvaient exactement. Le temps et je pense aussi le terrain ne leur permettait pas de situer le but de leur équipée.
Le propriétaire lui‐même n’était pas en mesure de donner quelque information fiable bien qu’il indiquât que son père et grand‐père exploitaient le chalet depuis 105 ans. J’imagine qu’en 1755 il ne devait pas passer grand monde par là.
Pour l’heure Cowell exprime son contentement à dormir dans un endroit chaud et abrité et convient que de pareilles conditions permettent d’aborder la course plus aisément. Vous y penserez quand vous dormirez à Vittorio Emanuele II ?
Le matin du 4 les guides ne réveillent pas leurs clients avant 07 heures car il neige fort. Une amélioration passagère amène le groupe à partir une demi‐heure plus tard. Les conditions seront aux finales hivernales pour une telle période. Je pense qu’ils s’élèvent au‐dessus du chalet et qu’ils rejoindront plus ou moins le cheminement actuel menant à Vittorio Emanuele II. Ils doivent donc effectivement ensuite passer le pierrier puis monter par le glacier du grand Paradis. Ils sont depuis un moment au‐dessus de la tempête de neige mais il fait froid. La neige est assez dure pour qu’ils ne craignent pas une avalanche. Leurs chaussures par contre ne leur permet plus de marcher sans creuser des marches (pas de crampons à l’époque). Payot se met à l’ouvrage. Il creuse d’un coup de piolet une marche pour permettre la progression du groupe.700 marches en 2 heures (bonjour les bras). Le piolet et/ou la hache pèse à l’époque dans les 5 kg.
Depuis un moment ils sont encordés bien que cela ne plaise pas à Jean Tairraz.
Nous sommes aux débuts de l’alpinisme et les usages qui nous semblent à présents logiques ne le sont pas pour tout le monde il y a 150 ans. Quelques jours auparavant le frère de Jean Tairraz, appelé Victor se tue en descendant du col du Géant avec 3 clients Anglais. Victor Tairraz est encordé au milieu du groupe et deux autres guides tiennent seulement la corde en main à chaque extrémité. Ils sont partis le matin même du Montenvers, ont pris le mauvais temps en chemin et les clients sont épuisés. Lors de la descente du col l’un glisse et entraîne les autres incapables de bloquer la chute. 4 morts. Cela fait grand bruit.
John Tyndall alpiniste de renom se rend sur les lieux de l’accident et ne comprend pas qu’un tel accident ait pu se produire. On peut penser qu’il juge tout de même les guides responsables. Ceux‐ci ne seront cependant pas inquiétés par l’enquête qui conclura à la fatalité. Les 2 guides survivants ne faisaient que tenir la corde. Ils l’auront lâchée avant d’être entraînés à leur tour dans la chute. Nous en sommes donc qu’aux balbutiements de la technique alpine.
Jean Tairraz se laisse convaincre cependant de s’encorder avec les autres. Ceux‐ci considérant avoir suffisamment le pied sûr pour enrayer une glissade.
Ce choix sauve la vie de Tairraz car près du sommet il glisse sur la pente sur une demi‐douzaine de mètres avant d’être stoppé par la seule intervention de W. Dundas qui le précède sur la cordée.
Ils ne s’attardent pas sur cet épisode. Le froid est intense, il n’y a aucune visibilité et ils mettent la dernière énergie pour arriver au sommet.
Le vent à cet endroit est encore plus fort. Ils vont s’abriter derrière une petite tourelle rocheuse et constatent les dégâts causés par le froid. Tairraz et Payot sont les plus touchés. Payot a les mains dans un état lamentable et Cowell se demande comment il a pu tailler les dernières marches avec des mains aussi abîmées. Pour Tairraz ce sont ses pieds qui sont touchés. Ses chaussures sont tellement durcies qu’il n’arrive plus à faire bouger ses pieds dedans. Cette situation nécessite de s’occuper des mains et pieds de chacun avant d’entamer une descente urgente avant de geler sur place. Ils prennent donc quelques minutes pour frictionner vigoureusement les membres touchés avant de commencer la descente.
Ils font cette fois le choix de se décorder pour descendre plus rapidement. Ils mettent 8 minutes à descendre la pente qui leur a pris 2 heures à monter. Cowell compare leur descente à des animaux fuyant devant un feu de prairie. Ils sont de retour au chalet 9 heures après leur départ. 6 heures pour monter, 3 pour descendre.
Plus de peur que de mal. Cette descente rapide les a remis d’aplomb mais ils pestent contre le mauvais temps qui les a privé de profiter plus pleinement ne serait-ce que de la vue et d’une course globalement plus plaisante.
Le lendemain matin, Dundas doit revenir à Aoste mais Cowell lui monte à nouveau au sommet du Grand Paradis avec Payot car le temps s’est amélioré. Cela leur prend cette fois 5 heures car les marches sont déjà faites. Cowell pour faire plaisir à Payot compte les marches. 1275. D’après Payot, assez fier de son travail (on peut le comprendre) c’est le record effectué en une journée par quelqu’un de Chamonix (NDR et non pas MDR)
De mémoire il me semble que Michel Croz en effectuant la même année la première de la Grande Casse creusa pas loin de 1100 marches. Cela dit c’est moins que 1275 et en plus il était d’Argentière alors !
Cette fois au sommet les 2 hommes s’attardent un peu. Ils vident (tient comme c’est bizarre) la dernière bouteille de vin à la santé du Roi d’Italie (Vittorio Emanuele II) que Payot honore toujours comme son souverain bien que Chamonix soit depuis quelques mois devenue Française.
Je laisse la conclusion à Cowell disant :
I hope I may have had the good fortune to interest some of my readers in this remarquable mountain.
Frédéric
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